🐙 la crise de la vingtaine

Ralitsa « Je suis en plein dedans dans cette période mouvementée de la vingtaine. J’ai eu 26 ans cet été donc je commence à passer le cap des late 20s comme on dit en anglais. Je commence à me rapprocher de plus en plus de cette fameuse trentaine. Très clairement j’essaye de passer au-delà des injonctions, de ce qui est attendu de nous
Parmi ces pièges il y a le fait de se comparer sans cesse. Que ce soit aux personnes qui ont le même âge que nous mais qui cochent toutes les cases qu’on attend d’eux et de se sentir dévalorisé par rapport à un parcours qu’on trouve admirable ou inspirant. En tout cas, moi c’est quelque chose chose que j’essaye de mettre en place tous les jours, c’est de m’écouter moi, de devenir la personne que j’ai envie de devenir profondément et puis de travailler sur moi-même sans chercher à être la meilleure dans ce que j’entreprends, sans chercher à être la number one dans la course et la compétition qu’est la vie parce que finalement je trouve que c’est une image assez parlante. Il n’y a pas de trophée à la fin, du moins je pense pas. Et c’est justement pendant le trajet qu’est la vie – ou de la vingtaine si on prend juste cette décennie là – qu’on se crée des souvenirs. Donc moi j’essaie vraiment, plutôt que d’évaluer ma vie sans cesse sous le prisme de la réussite de ce qui est valorisé aujourd’hui c'est-à-dire avoir un bon poste, d’être propriétaire etc. j’essaye plutôt de valoriser l’expérience humaine et les petits bonheurs qui en découlent au quotidien. C’est vraiment des petits rien du tout qui moi me font me dire “ha oui là j’ai bien réussi ma transition – qui n’est pas finie d’ailleurs – vers ce qu’on appelle la vie adulte [rires]". Franchement, voilà, quand je me réveille et que je me sens bien à l’idée de commencer ma journée, que j’ai hâte de faire certaines choses – comme là enregistrer ce podcast par exemple – et ben, je sais que j’ai réussi quelque part parce qu’au fond de moi c’est ce qui me fait vraiment plaisir. J’ai suivi ce qui en moi faisait sens, et tous les jours j’écris un peu plus mon histoire, j'essaye de rendre ce que je reçois, d’être reconnaissante aussi et de prendre conscience de la chance qu’on a sur beaucoup d’aspects aujourd'hui.
Tout ça ce sont des petites habitudes de vie qui font que j’arrive à passer outre cette pression qu’on a. Même si, voilà, je ne te cache pas qu’on nous met la pression, c’est constant en fait, et c’est à nous de trouver un petit oasis en nous qui nous libère de tout ça. Soit quand on se retrouve avec soi en fin de journée, ou quand on se retrouve avec quelqu'un qui partage notre quotidien, vraiment essayer d’avoir son espace, son safe space comme on dit et s’y sentir en accord. Moi mon chez-moi c’est hyper important par exemple. Et même avant COVID, j’ai toujours accordé de l’importance à comment je me sentais chez moi, quelle énergie je ressens, quelle motivation j’ai à regarder autour de moi, à m’inspirer etc. c'est quelque chose qui est vraiment très important. Et au-delà de ça c'est aussi la culture qui m’aide à prendre du recul sur les choses, à avoir des réflexions un peu métaphysiques, philosophiques – sans forcément lire des philoophes – pour me rapprocher de la culture et nourrir mon âme [rires]. C’est un peu poétique mais c'est vrai. La culture, la nature, c'est essentiel pour avoir une vie simple et alignée »
 

🏊‍♀️ comment tu t’es construite ? et comment as-tu trouvé cet équilibre de nage ?

Ralitsa : « J’aime beaucoup la question et ce qu’elle évoque parce que c’est un chemin que j’ai déjà commencé il y a déjà, je pense, deux trois ans peut-être. La rupture ça a été je dirais quand j’ai été diplômée parce que d’un coup je suis sortie de la bulle qu’était la voie toute tracée des études en fait, celle où on réfléchit toujours à l’étape d’après, au diplôme, au rendu etc. Là, il n’y a plus tout ça, une fois que tu as fini ta journée de travail, en fait, tu es toi. Mais qui es-tu vraiment ? Tu vois ? Voilà un peu le genre de questionnement que je suis sûre qu’on a toutes les deux en commun et qu’on adore creuser parce que c’est passionnant comme sujet.
Et moi, l’autre élément important c’était aussi l’investissement que j’avais mis dans mes études. Ça a été des études passionnantes, j’ai toujours adoré, mais c’étaient aussi des études prenantes donc tout ce qui était à côté, tout ce qui était autre que les rendus, le travail, la rigueur que requiert l’info en continu, d’être tout le temps connecté·e au monde via les infos, via les médias, en fait ça te détache aussi un peu de qui tu es parce que tu crées une espèce de barrière entre toi et le monde extérieur pour te protéger aussi en quelque sorte. Parce que toutes les infos axiogènes qu’on a assez régulièrement dans nos fils d’actualité, en fait, pour se protéger il faut se créer cette espèce de carapace un petit peu où on est vraiment dans le mood travail, professionnel et rigueur. Et puis derrière ça, j’avais pas beaucoup de temps pour moi, pendant cette période là. L’alternance c’était quand même hyper rythmé, il y avait aussi le mémoire en dernière année à rendre donc finalement j’avais toujours un truc en tête.
Aujourd’hui c’est quelque chose que j’ai appris à faire et que j’espère pouvoir continuer à faire : distinguer le moi du travail et le moi du temps libre où j’ai le temps d’apprendre à me connaître, d’explorer toutes ces choses. Et je pense que le podcast et le blog c’était aussi une façon de me retrouver, de me dire “voilà, aujourd’hui je suis cette personne, voilà mes centres d’intérêt, voilà ce qui compte pour moi”. Parce que je ne le faisais pas avant, je ne me posais pas cette question. Avant je n’avais même plus le temps de lire un livre. Je me suis rendue compte à ce moment que le dernier livre que j’avais lu était un livre pour les études. Il y a certains sujets que j’explore aujourd’hui qui me plaisent beaucoup, comme la jeunesse, le rapport à l’âge adulte, au fait d’évoluer, tout ça ça m’intéresse beaucoup. Et le monde du travail aussi qui fait quand même grandement partie de nos vies est lié à tout ça. Donc aujourd’hui je suis vraiment attachée à ça, à cet équilibre là. Et je sens que je commence à le trouver et je suis assez satisfaite de cette situation là. »
 

🦀  comment as-tu fait pour « te trouver » ?

Ralitsa : « Le distingo pro/perso c’est une vraie question. Aujourd’hui on a beaucoup de discours qui sont orientés vers la passion au travail, sur le fait de mettre à profit tous ses talents ou en tout cas tous ses hobbies pour en faire un métier – comme quoi ce serait vraiment la voie royale. Et puis avec toute l’économie des créateur·rices de contenu qui a explosé à partir des années 2010-2015, on voit aussi ce message là dans la culture de masse. Les youtubeurs comme Léna Situation qui font aujourd’hui de leur personal branding une marque de fabrique, tout tourne autour de leur personnalité, de leur façon de parler, de leur style, de leur lieu de vie. Chacun des éléments de leur vie personnelle devient un élément de l’intrigue. Tout ça est raconté sous forme de scénario et d’ailleurs Léna est particulièrement forte là-dedans en créeant des rendez-vous avec une mini-série avec ses vlogs d’août qui ont des personnages, des intrigues, une bande son, des gimmicks, des phrases qui reviennent et un lieu fixe – chez elle, l’hôtel Mahfouf – qu’elle a transformé en marque. Je trouve ça super intéressant de voir comment le perso s’immisce dans le pro avec cette économie des créateur·rices de contenu. Et tout ça se répercute aussi dans le monde des startups. Aujourd’hui quand on innove, quand on crée quelque chose, forcément on réfléchit à tout ça, on réfléchit à comment on communique dessus et puis le côté job passion, travailler même les week ends parce que finalement “c'est pas vraiment du travail”, je trouve qu’il y a aussi besoin de déconstruire pas mal de choses là-dedans. Et très très clairement, ne vous sentez pas oppressé·es à l’idée de devoir faire votre métier-passion entre guillemets. Ce n'est pas parce qu’on entend beaucoup de discours médiatique à ce propos – que c'est la seule voie et que si vous n’êtes pas à 100% épanoui·e c'est très grave. Non non, au contraire, prendre le temps de se trouver c'est aussi expérimenter des choses qu’on aime pas.
Donc je dis vraiment non à cette pression aussi de devoir absolument monétiser toutes ses passions. Moi j’aime beaucoup la musique, c’est pas pour autant que je me dis “demain je vais vendre des albums etc.”, j’adore le podcast et non je ne souhaite pas le monétiser aujourd’hui. Peut-être que je n’ai pas un mindset très orienté business etc. mais non, je pense juste que je trouve mon équilibre ailleurs en fait. Et le travail, j'adore tu vois. C’est quelque chose qui me définit aussi depuis longtemps, c’est un milieu que je connais bien, où je me sens à l’aise, donc j’aime beaucoup ça mais je sais aussi mettre mes limites, je sais faire mes journées et ensuite les compléter d’autres choses – parce qu’il n’y a pas que ça. Je trouve que j’ai cette liberté là effectivement que m’offre un CDI assez classique dans une entreprise en étant salariée. Donc tout le discours de lancer son activité, être à son compte, c’est vraiment top parce que ça permet de s’ouvrir les possibilités, mais ne créons pas une injonction, ne venons pas remplacer un schéma pré-établi par un autre. Parce que le discours « anti job 9-5 » qu’on a sur Tiktok, il est aussi à prendre avec des pincettes parce qu’il y a aussi plein d’avantages [rires]. C’est vraiment chouette d’avoir des congés payés par exemple, ou un congé maternité si on veut avoir un enfant. Tout ça reste quand même un cadre qu’offre le salariat et le monde du freelancing n’est, pour le moment, pas assez avancé sur ces questions sociales liées à l’accès aux sujets de santé, des congés payés, etc. Il y a des choses à prendre et à laisser dans les deux sphères de ce monde pro là
En tout cas je pense avoir réussi à trouver ce que je cherchais avant mon diplôme, c’est-à-dire du temps pour me trouver moi en quelque sorte. Et le COVID a aussi forcé cette remise en question – même si ce sont des discours que l’on a beaucoup, c’est vrai. Nonus on pouvait télétravailler. C’est vrai que ça reste un privilège de pouvoir se poser toutes ces questions là parce que certaines personnes n’ont pas le temps même de penser au développement personnel. Parce qu’elles sont mamans célibataires ou qu’elles font un métier dit essentiel pendant la crise et c’était pas du tout leur préoccupation tu vois. Il faut être conscient·e de ça, de la chance qu’on a et puis essayer de s’aligner au maximim avec qui l’on est »
 
On a beaucoup parlé de lâcher prise, du besoin de se mettre dans un état méditatif pour faire abstraction un petit peu de toutes ces notifications etc. – la digital detox revient beaucoup dans toutes ces pratiques bien-être. Mais oui, concrètement, comment entamer ce travail ? Je dirais en se rapprochant de personnes qui ont une énergie ou en tout cas où vous sentez qu’il y a quelque chose de positif en elles. Je sais pas, chacun·e dégage une espèce d’aura – sans rentrer dans le côté hyper spirituel. On a souvent un pressentiment quand on rencontre des nouvelles personnes – je pense qu’il faut faire attention à qui l’on fait rentrer dans son cercle – et ouais, si on est là avec des gens bienveilant·es je pense qu’on peut faire un réel progrès déjà sur son rapport aux autres, apaiser certains poids émotionnels qu’on peut avoir je pense et puis sinon quand c’est pas l’entourage, ça peut être des personnes externes à nous : des psychologues, des sophrologues, il y a énormément de métiers aujourd’hui autour de la santé mentale qui peuvent nous aider d’une façon ou d’une autre. Bien sûr en étant bien renseigné·e avant et en trouvant une personne de confiance, mais il faut prendre les devants, c'est comme tout.
Il ne faut pas attendre [comme tu disais] la crise de la quarantaine pour se poser ces questions là. Tant mieux si on se les pose maintenant en quelque sorte ! Je trouve que c'est le moment de creuser ça, et puis, tous les jours on va se remettre en question.
Et puis les générations d'avant – pas celle de nos parents mais encore avant – vont nous dire « mais vous vous posez trop de questions etc. nous c'était pas aussi compliqué, on avait pas autant le choix ! » Mais on vit dans un monde où on a énormément le choix. Donc la prise de décision se fait …. enfin, on a du mal à la faire ! Justement dans le podcast avec Victoria je disais ça mais y’a pas de mauvaise décision à prendre ou de bonne, c'est notre décision, c'est tout. Et le fait d'avoir autant le choix, c'est une richesse, mais c'est aussi un danger de se comparer – on en revient toujours au même cercle vicieux. Donc ouais, pour moi c'est vraiment un tout de savoir s'entourer et puis savoir se reconnecter avec ce qui résonne le plus en nous à l’instant T. Parce qu’on sait que la personne qu'on est aujourd'hui, ce n'est pas la personne que l’on sera demain.
On va forcément évoluer et tant mieux, mais soyons justes fidèles à nous-mêmes. Tous les jours essayons de faire une petite action, un petit quelque chose qui honore la personne qu’on est. J’ai lu ça dans un livre qui va sans doute te parler qui s'appelle Quarter life crisis qui est justement sur la crise de la vingtaine et les vingt-cinq ans ! Il dit ça en fait « Suivre ta passion c'est faire chaque jour une petite action qui te reconnecte à toi » en fait. C'est un peu ça la traduction. Faire un truc qui t’honore, qui te fait dire « ha ouais, c'est pour ça que je suis là, c'est ça qui me fait vibrer ».
Donc pas besoin de grands évènements, de labrador etc. – enfin si vous aimez les chiens allez-y, y’a pas de problème. Mais je veux dire, y'a pas de manuel. C'est tellement…. on est tellement singulier·es les un·es les autres que finalement, toute la société de l’image et des réseaux sociaux essayent de nous enlever votre singularité je trouve. En essayant de nous mettre dans une case, en essayant de justement nous faire ressembler à un type de personne qu’on peut étiquetter, sur qui on peut mettre une petite étiquette mais non en fait !
Faut cultiver notre singularité et puis ça ira, y’a pas de problème. »
 

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